Sérigraphie KAMIKAZE

Sérigraphie “KAMIKAZE” (66 X 86 cm). Série limitée et signée à vendre ----------------------------------------------PAUL ABRAHAM ART BLOG

CHIRAN

Aurore, une escadrille de zéros se dirigeant vers Okinawa passent devant le volcan Kaimondake - Pol, aquarelle digitale
La ville de Chiran, je dirais plutôt le village, fut choisie comme base d’entraînement des pilotes de l’aviation japonaise dès 1941, après Pearl Harbor. Étant la plus au sud du Japon, elle devint la base des escadrons suicide en 1945 pour défendre “la porte du Japon”, Okinawa. Plus d’un millier de pilotes décolleront de cette base et salueront le mont Kaimondake, mini Mont Fuji situé à 30 kms au sud sur la côte du Pacifique. Ils périront quelque part entre Chiran et Okinawa.


La base militaire était située à l’emplacement actuel du Musée de la Paix consacré au Kamikazes. Située sur un promontoire au sud de la ville, elle dominait l’étroite vallée où s’étalaient, bien ordonnées, les cultures et les rangs manucurés de thé vert, rectangles aux couleurs fraîches et acidulées sertis de tous côtés par des petites collines verdoyantes à la flore exubérante. La petite ville de Chiran est bâtie le long de la rivière Fumoto. Traversant le centre ville la rue Bukeyashini s’étend vers l’est bordée par les maisons de samouraïs et leur magnifiques jardins conçus par les maîtres jardiniers de Kyoto. Ces vestiges du Japon traditionnel ont survécus à tous les cataclysmes et participent à l’atmosphère mythologique, hors du temps, de cette petite vallée isolée et brumeuse. Aujourd’hui la rue principale est bordée, de chaque côté de son prolongement vers le sud depuis l’entrée de la ville jusqu’au musée de la paix, par un millier de lanternes en pierre symbolisant les pilotes disparus.

Vallée de Chiran

Plantation de thé laissée à l'abandon (quartier des samouraïs)

l
Lanterne commémorative

Forêt de roseaux le long de la route du musée

Quartier des samouraïs




J'imagine que les pilotes devaient tenter ici de trouver un sens à tout cela ...

Chez Tomé

Outre la base et la rue des samouraïs Chiran dispose d’un autre attrait historico-touristique : le restaurant de madame Torihama baptisé familièrement “chez Tomé”. Cette taverne fut désignée en 1941 restaurant militaire par le commandant de la base. Les apprentis pilotes, 14 ans pour les plus jeunes s’y rendaient les dimanches, épuisés après leur entraînement. Beaucoup n’avaient même jamais mis les pieds dans un restaurant. Rapidement, cette femme dans la quarantaine, devint leur mère de remplacement qu’ils surnommaient affectivement “Obachan” (petite mère). Elle fut pour beaucoup de ces jeunes hommes le dernier lien d’humanité. Confidente et consolante elle se chargea de transmettre aux familles les lettres d’adieu des kamikazes. Sa fille Reiko témoigne avoir vu la police emmener sa mère Tomé plusieurs fois après que la police secrète (kempeitai) soit passée. Elle passait alors la nuit au poste et rentrait le lendemain avec le visage enflé. Elle transmettait les lettres des pilotes en contournant la censure militaire. Torihama San est morte en 1992 à l’âge de 89 ans. Elle a continué à servir les marines américains dans son restaurant de Chiran, après la guerre. Considérée aujourd’hui comme une héroïne, on peut voir en ville sa statue de bronze. Le restaurant est devenu un petit musée-temple à sa mémoire. Reiko, sa fille, ouvrit après guerre un petit restaurant à Tokyo où les vétérans de la base de Chiran allaient se retrouver **.

** Les anciens Kamikaze Japonais parlent du syndrome de Tokko où les ex Kamikazes sont devenus des exclus de la société (un peu comme l’ont été les vétérans du Vietnam aux USA) confrontés à la répugnance du peuple japonais après guerre vis-à-vis du programme des missions suicides (Divine Wind: An Interview with Atsushi Takatsuka (ex kamikaze) – Ryo Wanabe. CABINET). Certain basculèrent dans le banditisme comme homme de main des Yakuzas, les nouveaux Samouraïs (Le manga des années 70 : Soleil Noir (Kuroi Taiyou) de Kawaguchi) 

Le musée chez Tomé aujourd'hui, assez fidèle au restaurant de 1945
Tomé servant les cadets dans son restaurant - Pol aquarelle
Planche Chez Tomé - Pol aquarelle

Le musée de la paix de Chiran

Musée de Chiran
Entrée du musée de Chiran : les déesses emmènent le Kamikaze
décédé aux cieux ... Cela rappel quelque chose.
Le musée situé sur l’emplacement de la base aérienne aujourd’hui disparue est à 30 minutes de marche de chez Tomé. Il a été créé par Tadamasa Itatsu, un ex Kamikaze rescapé de 3 missions suicides. Un article de “l’Histoire” (juin 2005 # 299) lui est consacré à l’occasion  de l’entrée des lettres des Kamikazes au patrimoine de l’Unesco pour lesquelles  Mr. Itatsu avait milité. Les photos de Tadamasa Itatsu proviennent de cet article.

Tadamasa Itatsu











Comme beaucoup de rescapés des missions Tokko Itatsu San a souffert du syndrome de Lazare. Condamné à une mort certaine il n’a pas supporté le fait d’avoir survécu alors que tant d’autres sont morts. Il commença un collection des lettres (plus d’un millier) et des souvenirs de ses compagnons de combat disparus. Aujourd’hui cette collection est exposée au musée. L’intention de départ du musée est très louable; garder le souvenir de ces vies sacrifiées afin que cela ne se reproduise plus dans l’avenir. Ce qui m’a particulièrement dérangé ici et dans la plupart de ces musées consacrés aux Kamikazes, qu’on surnomme musées de la paix, c’est qu’on semble confondre ici fierté belliqueuse et patriotique avec dénonciation d’évènements impardonnables. La manière d’exposer et de documenter les faits d’armes de ces pilotes questionne quand aux intentions de ces musées … 
Je reparlerais plus en détail de ce point particulier dans mon article sur le temple Yushukan de Tokyo (à venir bientôt).

Base de Chiran - Pol aquarelle

Pour ce qui est du contenus des lettres de manière générale je site ici un passage de l’article de Rafaële Brillaud de “l’Histoire” basé sur le livre de  Emiko Ohnuki-Tierney : 
“Les lettres de Chiran en témoignent, peu de pilotes partent la joie au cœur. «Quand l’opération fut instituée pas un seul officier des écoles militaires ne se porta volontaire, assène Emiko Ohnuki-Tierney. Ils n’étaient que trop convaincus de l’absurdité de cette mort.» Les kamikazes étaient des pilotes adolescents, généralement de simples soldats, accompagnés de près d’un millier d’étudiants que le gouvernement avait vite diplômés pour les envoyer combattre.” 

Artefacts et lettres musée de Chiran

Artefact _ Musée de Chiran

Portraits des Pilotes Kamikazes affichés dans l'ordre des dates de décès - Musée de Chiran

Carnet de croquis d'un pilote - Musée de Chiran


Et ici deux extraits de l’article du Monde du 14-02-2007, Kamikazes malgré eux de Philippe Pons, parlant des missions suicides :
“ Le taux de réussite était faible : à peine 10 % touchaient leur cible. Les pilotes avaient parfois moins de 100 heures de vol, rappelle Iwao Fukagawa. Souvent, leurs appareils étaient des "cercueils volants" en raison de leur mauvais état et faute de carburant pour revenir. L'un des plus chevronnés, Shigeyoshi Hamazono, qui survécut, ne cache pas sa rancoeur à l'égard des chefs qui, eux, ne partaient pas : il rappelle, dans le quotidien Asahi Shimbun, qu'en se dirigeant vers son appareil, le 6 avril 1945, il buvait du saké au goulot et qu'il avait pris les commandes en hurlant : "Bande de c..."
Parlant du volontaria : Il y avait assurément des illuminés parmi eux, mais la grande majorité partait parce qu'ils n'avaient pas le choix. "Nous nous réconfortions en nous berçant de l'idée qu'au moins nous serions des héros", note l'un d'eux dans son journal. Selon Hideo Den, qui survécut, "c'est le désespoir qui nous menait".
Volontaires ? "Nous étions censés l'être. En réalité, nous étions désignés et il était impossible de se dérober. La pression sociale était trop forte", dit Iwao Fukagawa. Ils étaient contraints à être volontaires”
À propos des lettres : Les jeunes pilotes étaient, pour la majorité d'entre eux, des cadets ou des étudiants soldats. Avant de partir, ils devaient rédiger un testament officiel dans lequel ils évoquaient la "grande cause" pour laquelle ils allaient mourir. Mais dans les derniers messages à leur famille, qu'ils remettaient secrètement aux jeunes employées de la base, aucune grandiloquence.
"Il n'est pas vrai que je veux mourir pour l'empereur... Mais il en a été décidé ainsi pour moi", écrit l'un d'eux. Il ajoute que ses camarades comme lui-même n'avaient qu'une envie : rentrer chez eux. Une fois désignés, rappelle Shigeyoshi Hamazono, "ils se repliaient sur eux-mêmes, et leurs camarades n'osaient même plus venir leur parler". Mort inutile ? "Ils étaient courageux et sincères. Et c'est pour cela qu'il faut honorer leur mémoire", estime Iwao Fukagawa.

Notes sur le camp de rééducation des Kamikazes

Musée de Chiran
Note sur les camps de rééducation d’après le livre de Sanae Sato Kojinsha : “Tokkou no machi : Chiran” (Chiran : ville des forces d’attaque spéciale) d’après le témoignage de Reiki kabane, fille de Tomé Torihama. Sujet traité spécifiquement dans les chapitres 8 et 9 du livre.
Le QG de la 6ème armée de l’air basé dans la préfecture de Fukuoka (Kyushu), responsable des opérations de la base aérienne de Chiran, avait convertit le dortoir de l’académie des filles de Fukuoka en prison afin d’y séquestrer les pilotes Kamikazes qui revenaient de missions suicides ratées. Ce bâtiment était souvent appelé “la caserne de Shinbu” nommé d’après le corps armé de Shinbu chargé des missions suicides. Les officiers de la 6ème armée l’appelait sarcastiquement les “chambres de couture”.
Les gardiens n’autorisaient aucun contacts extérieurs aux pilotes, leur famille inclus. Même si plus de 50 pilotes y furent emprisonnés ils ne sont pas mentionnés dans les archives militaires. Le Lieutenant commandant Kiyota Kurasawa, un ex officier de la 6ème armée, explique pourquoi l’existence de ce camp était strictement tenue secrète : “Après leur missions les pilotes Kamikazes étaient devenus des dieux, afin qu’ils conservent leur honneur le seul moyen était de les faire “disparaître” .
L’auteur du livre présente plusieurs exemples qui illustrent la grande injustice que représente l’emprisonnement des pilotes à la caserne de Shinbu. 
Les officiers en charge les soumettaient à une rééducation quotidienne*. De nombreux pilotes avaient survécus en faisant des atterrissages forcés en route vers Okinawa à la suite de problèmes mécaniques. Les pilotes secourus exprimèrent leur désire de refaire une mission suicide, ils furent malgré tout emprisonnés. L’auteur mentionne un cas ou 5 pilotes d’une unité de Chiran ne pouvant pas sortirent en mission suicide par manque d’avions finirent eux aussi à la caserne Shimbu de Fukuoka ! Dans un autre exemple l’auteur cite la femme d’un pilote qui s’élança sur la piste de décollage pour empêcher son maris de partir une première fois, puis s’empara de son pistolet en menaçant de se suicider une deuxième fois : le pilote fut incarcéré à Fukuoka pour les actions extrémistes de sa femme … 

* Ryuji Nagatsuka écrit dans son livre “J’étais un Kamikaze” que lors d’une mission suicide comme volontaire avec un groupe de 18 avions, le mauvais temps le contraignit, avec 12 d’entre eux, à rebrousser chemin étant incapable de localiser la cible ennemie. Leur commandant considéra que cette action équivalait à une désertion et après les avoir frappé au visage les condamna à 3 jours de détention et à recopier le décret de l’empereur sur la conduite militaire. Yashuo Kuwahara dans son livre du même titre décrit les brimades corporelles sadiques infligées aux nouvelles recrues des écoles militaires d’aviation afin de les casser.
Sources : Deux livres basés largement sur les témoignages de Reiko Akabane (fille de Tomé) qui a servis notamment dans la brigade Nadeshiko : jeunes filles chargées du ménage, de la lessive et du comité d’adieu des pilote sur la piste de la base.
Tokkou no machi: Chiran (Special attack corps town: Chiran)
by Sanae Sato Kojinsha, 2003
Et Hotaru Kaeru (The Firefly Returns) écrit par Mr. Ishii Hiroshi                                                    PAGE SUIVANTE